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Japonais à édifier cette voie de fortune, mais un officier nippon nous affirma qu’on avait trouvé les travaux dans l’état où nous les voyions. Le viaduc était tout monté par les Russes et devait servir à remplacer un ouvrage plus ancien qu’on vouait de déboulonner. Le passage supplémentaire était également l’œuvre des Russes et non des Japonais.

L’officier à qui je demandai l’explication de cette étonnante incurie me déclara que les Russes fuyaient si vite qu’ils n’avaient pas le temps de placer les explosifs. Je lui tournai le dos, c’était la seule réponse que méritait cette sottise.

Il est pourtant difficile de se rendre compte à quel mobile les Russes peuvent avoir obéi. Ont-ils laissé la voie intacte dans l’espoir de l’employer de nouveau lorsqu’ils auraient repris l’avantage et redescendraient vers le sud ? Ce serait un calcul enfantin : les Japonais certainement, le cas échéant, ne se gêneraient aucunement pour ruiner de fond en comble ce qu’ils abandonneraient derrière eux. On est donc forcé de conclure que les Russes ont respecté la ligne par pure sensiblerie. Ils auraient dû pourtant, au cours de leur longue histoire militaire, avoir appris que du jour où les hostilités sont engagées la victoire est le seul but à envisager et que tous les moyens, quels qu’ils soient, doivent être employés pour l’atteindre. Sur le théâtre des opérations, les nécessités