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large des continents, triomphant de l’immensité, j’allais dire de l’infini, force l’admiration du voyageur. Le Transsibérien constituera longtemps encore un des exemples les plus étonnants de ce que peuvent atteindre la volonté et la patience humaines.

On comprend facilement l’amour des Russes pour leur œuvre, et tout ce qu’il leur en aurait coûté de la détruire de leur propres mains. C’était néanmoins un sacrifice nécessaire au moment où les forces du général Okou prirent l’offensive dans la direction de Liaoyang. L’armée de Kouropatkine, très inférieure en nombre à celle des Japonais, se renforçait chaque jour de nouvelles troupes venant de Sibérie et de Russie. Il fallait donc songer avant tout à gagner du temps et à retarder le plus possible la marche des Japonais. La première mesure à prendre était la mise hors de service de la voie ferrée, principal moyen de ravitaillement de l’ennemi. Les Russes ne parvinrent pas à s’y décider. Ils ont abandonné la ligne telle qu’elle était sans faire sauter un ponceau ou un rail. Toutes les éclisses sont en place ; à la lettre, pas un boulon n’a été enlevé.

En approchant de Ouafantien, nous avons vu un pont jeté dans le lit d’une rivière ; à côté, un passage temporaire, d’ailleurs fort bien exécuté, reliait les deux tronçons de ligne. Nous croyions que la destruction du pont par les Russes avait forcé les