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les trous de loup. Tout ce qui restait des obstacles artificiels construits par les sapeurs du génie était une vingtaine de mines sous-marines rangées près de la gare de Nanchan à côté des canons capturés. Ces engins avaient été distribués devant le front pour servir de fougasses ; les Japonais avaient découvert l’emplacement des fils électriques destinés à la mise de feu et les avaient coupés avant qu’on ait pu faire passer le courant pour exploser les charges.

Cette promenade à travers les lignes russes, malgré l’intérêt qu’elle présentait, laissait une impression pénible. Presque partout on avait entassé les cadavres dans des tranchées à peine recouvertes de terre. Çà et là, un membre aux trois quarts décomposé, quelquefois même un squelette entier, sortait de terre ; une odeur nauséabonde vous saisissait à la gorge. Notre passage faisait fuir des chiens et des vols de corbeaux occupés à se disputer des lambeaux de chair pourrie. Un gros nuage sombre s’étendait sur le champ de bataille et donnait à tout le paysage un aspect macabre et noir.

Au bas de la colline, défilait notre convoi ; je fus heureux de le retrouver et sautai sur un des chariots à bagages. Le soleil reparut. Sa lumière joyeuse, tamisée par la poussière, éclairait de ses rayons la foule bariolée réunie à la porte de la ville.

Contrairement aux promesses que nous avions