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maisons se sont enluminées de drapeaux, et des banderoles aux couleurs nationales grimpent autour des poteaux télégraphiques qui bordent la chaussée. Tout cet appareil n’a pu réussir à muer en enthousiasme le calme des habitants. C’est avec une sérénité parfaite qu’ils contemplent peu après une centaine d’enfants et de voyous qui constituent le cortège officiel. En tête un orphéon strident écorche de pseudo-marches militaires ; le troupeau se presse derrière ; chacun porte une lanterne de papier colorié et suit les musiciens en silence ; des pétards tirés par une arrière-garde de coolies remplacent les acclamations de ces manifestants muets. Quelques Anglais n’ont pourtant pas dédaigné de se mêler à la procession et rugissent des banzaï (vivat) inspirés plus encore par le whiskey que par leur sympathie pour les alliés du Royaume-Uni.

Ce spectacle lasse définitivement des splendeurs de Kobé, et c’est avec joie qu’on retrouve le salon familier du paquebot.


Baie de Tokio, 16 mars.

Avant l’aube, nous entrons dans la baie de Tokio par un temps clair et froid. La lumière se fait peu à peu ; le profil de la côte sort de m’ombre, se précise,