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l’autre ; ils sont gris ou noirs pour les bourgeois, bleu foncé pour les ouvriers et les coolies, kimono long chez les premiers, veste et pantalon chez les autres. Les femmes de toute condition portent également le kimono à petites raies gris foncé et noir. Aucune couleur vive ou claire ne vient jeter une note plus gaie dans cette similitude presque funèbre sous le ciel terne, entre les maisons grises. Seuls, quelques enfants, bariolés comme les oiseaux des tropiques, se tiennent à côté de leurs parents sur le seuil des échoppes, immobiles et graves, et ressemblant plutôt à des poupées à vendre qu’à des êtres vivants. À l’entrée de Hiogo, le spectacle change ; c’est l’heure de la sortie des ateliers, une longue théorie d’hommes sombres se presse dans la rue. Ils marchent silencieux, la tête baissée. On n’entend ni les rires ni les discussions d’ouvriers européens ; aucun autre son que le bruit sourd et rythmé des guétas, — les sandales de bois japonaises, — retentissant sur le pavé.

La pluie m’oblige à écourter ma promenade et à gagner un abri. Je vais attendre le départ de la chaloupe dans la salle de lecture de l’Oriental Hotel. Vainement je cherche quelques nouvelles de la guerre en parcourant les journaux, lorsque soudain un mouvement se produit dans la salle. Tout le monde se précipite aux fenêtres sous lesquelles passe