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VIE ET VOYAGES DE HIOUEN-THSANG.

bouche. Une ardeur dévorante brûlait ses entrailles, et peu s’en fallut qu’il ne succombât. Hors d’état d’avancer, il se coucha au milieu du sable, et, bien qu’il fût exténué de faiblesse, il invoqua sans discontinuer le nom de Kouan-in (Avalôkitêçvara).

« Dans ce voyage, dit-il en invoquant ce Pou-sa (Bôdhisattva), Hiouen-thsang ne cherche ni les richesses ni le profit ; il n’ambitionne ni les louanges ni la réputation. Son unique but est d’aller chercher l’Intelligence supérieure (Anouttara bôdhi) et la droite Loi. Je songe avec respect, ô Bodhisattva, que votre cœur affectueux s’applique sans cesse à délivrer les créatures des amertumes de la vie. Or, jamais il n’y en eut de plus cruelles que les miennes. Pourriez-vous l’ignorer ? »

Il pria ainsi, avec une ferveur infatigable, jusqu’au milieu de la cinquième nuit, lorsque soudain une brise délicieuse vint pénétrer tous ses membres et les rendit aussi souples et aussi dispos que s’il se fut baigné dans une eau rafraîchissante. Aussitôt ses yeux éteints recouvrèrent la vue, et son cheval lui-même eut la force de se lever. Après s’être ainsi ranimé, il put prendre un peu de sommeil. Pendant qu’il dormait, il vit en songe un grand esprit haut de plusieurs tchang qui, tenant une lance et un étendard, lui dit d’une voix terrible : « Pourquoi dormir encore au lieu de marcher avec ardeur ? »

Le Maître de la loi, réveillé en sursaut, se mit en route, et il avait fait une dizaine de li, lorsque tout à coup son cheval changea de direction, sans qu’il lui fût