Page:Julie Philosophe, 1886.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 71 —


idée me causait une espèce de remords. Mais j’eus bientôt étouffé ce sentiment pénible… Et qu’importe, me dis-je à moi-même, le chemin qu’on prend, pourvu qu’on arrive au but. Ce but est le bonheur, tous les moyens d’y parvenir, qui ne nuisent point à nos semblables, sont permis ; et si l’argent procure toutes les jouissances qui tiennent à la vanité et à l’amour-propre, si la volupté est elle-même le plus grand des biens, sans doute celui qui fait acquérir l’un par l’autre est le plus heureux des hommes.

Lorsque je rejoignis mon amant, je le trouvai presque hors de raison, et je fus obligée d’aider un matelot à le transporter dans son hamac où il cuva la bière et l’eau de vie dont il avait été abondamment régalé. Je me gardai bien de lui faire part de mon entrevue avec le capitaine. Je savais déjà par expérience que les hommes, quelque peu délicats qu’ils soient d’ailleurs, n’aiment point qu’on partage avec eux des faveurs auxquelles