Page:Julie Philosophe, 1886.djvu/450

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 440 —


aussi grave, refusait de me rendre raison, et cela parce que je n’étais pas digne de me battre avec ce qu’il appelait un homme comme lui, comme si tous les hommes n’étaient pas égaux aux yeux de la nature, et que le hasard de la naissance dût établir entr’eux une distinction qui met tout l’avantage d’un côté et le désavantage de l’autre ; comme si dans un différend, celui qui a le bon droit de son côté, n’avait pas une véritable supériorité sur l’autre ; comme si enfin la vertu et les talents n’étaient pas réellement la seule et unique marque distinctive, et qu’un honnête citoyen, constant dans le chemin de l’honneur et de la probité, dût tout souffrir d’un sot orgueilleux qui n’a d’autre mérite que ses titres et l’habit qu’il porte.

Je rendis compte le même jour à Emilie de ce qui s’était passé avec le Colonel ; elle en fut singulièrement irritée ainsi que sa tante ; celle-ci me promit que dès ce moment, quoi qu’il en arrivât, elle ne souffrirait plus les visites du