qu’il va voir, sentir, entendre ; c’est alors,
dis-je, que le sort se plaît à déjouer ses
conjectures, à tromper ses espérances,
enfin à substituer à l’agrément qu’il
espérait, l’événement le plus inattendu,
le plus cruel. Pour être sûr de son bonheur,
il faudrait connaître l’avenir, et il
n’a été donné à personne de lire dans ce
grand livre où sont écrites les destinées
des hommes. Notre vie n’est donc qu’une
carrière plus ou moins longue d’incertitude,
dans laquelle nous luttons sans
cesse contre le sort ; ou plutôt, en
croyant n’agir que d’après notre volonté,
nous suivons l’impulsion des causes
premières, et concourons à l’accomplissement
des décrets immuables du Créateur
de l’Univers. Ce que je vais raconter
justifiera assez cette réflexion.
Je n’étais plus qu’à deux lieues de Paris et j’avais l’esprit agréablement occupé, lorsque tout à coup une trentaine de paysans armés de diverses manières, environnèrent ma voiture et ordonnèrent au postillon d’arrêter ; l’un