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le secret de l’île.

— Est-ce que vous ne sentez pas certaines vibrations dans le sol ? demanda Cyrus Smith.

— En effet, répondit Gédéon Spilett, mais de là à un tremblement de terre…

— Je ne dis pas que nous soyons menacés d’un tremblement de terre, répondit Cyrus Smith, et Dieu nous en préserve ! Non. Ces vibrations sont dues à l’effervescence du feu central. L’écorce terrestre n’est autre chose que la paroi d’une chaudière, et vous savez que la paroi d’une chaudière, sous la pression des gaz, vibre comme une plaque sonore. C’est cet effet qui se produit en ce moment.

— Les magnifiques gerbes de feu ! » s’écria Harbert.

En ce moment jaillissait du cratère une sorte de bouquet d’artifices dont les vapeurs n’avaient pu diminuer l’éclat. Des milliers de fragments lumineux et de points vifs se projetaient en directions contraires. Quelques-uns, dépassant le dôme de fumée, le crevaient d’un jet rapide et laissaient après eux une véritable poussière incandescente. Cet épanouissement fut accompagné de détonations successives comme le déchirement d’une batterie de mitrailleuses.

Cyrus Smith, le reporter et le jeune garçon, après avoir passé une heure au plateau de Grande-Vue, redescendirent sur la grève et regagnèrent Granite-house. L’ingénieur était pensif, préoccupé même, à ce point que Gédéon Spilett crut devoir lui demander s’il pressentait quelque danger prochain, dont l’éruption serait la cause directe ou indirecte.

« Oui et non, répondit Cyrus Smith.

— Cependant, reprit le reporter, le plus grand malheur qui pourrait nous arriver, ne serait-ce pas un tremblement de terre qui bouleverserait l’île ? Or, je ne crois pas que cela soit à redouter, puisque les vapeurs et les laves ont trouvé un libre passage pour s’épancher au dehors.

— Aussi, répondit Cyrus Smith, ne crains-je pas un tremblement de terre dans le sens que l’on donne ordinairement aux convulsions du sol provoquées par l’expansion des vapeurs souterraines. Mais d’autres causes peuvent amener de grands désastres.

— Lesquels, mon cher Cyrus ?

— Je ne sais trop… il faut que je voie… que je visite la montagne… avant quelques jours, je serai fixé à cet égard. »

Gédéon Spilett n’insista pas, et bientôt, malgré les détonations du volcan, dont l’intensité s’accroissait et que répétaient les échos de l’île, les hôtes de Granite-house dormaient d’un profond sommeil.