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le secret de l’île.

bert, recouvertes de compresses et de charpie, n’étaient serrées ni trop ni trop peu, de manière à provoquer leur cicatrisation sans déterminer de réaction inflammatoire. Le reporter apportait à ces pansements un soin extrême, sachant bien quelle en était l’importance, et répétant à ses compagnons ce que la plupart des médecins reconnaissent volontiers : c’est qu’il est plus rare peut-être de voir un pansement bien fait qu’une opération bien faite.

Au bout de dix jours, le 22 novembre, Harbert allait sensiblement mieux. Il avait commencé à prendre quelque nourriture. Les couleurs revenaient à ses joues, et ses bons yeux souriaient à ses gardes-malades. Il causait un peu, malgré les efforts de Pencroff, qui, lui, parlait tout le temps pour l’empêcher de prendre la parole et racontait les histoires les plus invraisemblables. Harbert l’avait interrogé au sujet d’Ayrton, qu’il était étonné de pas voir près de lui, pensant qu’il devait être au corral. Mais le marin, ne voulant point affliger Harbert, s’était contenté de répondre qu’Ayrton avait rejoint Nab, afin de défendre Granite-house.

« Hein ! disait-il, ces pirates ! Voilà des gentlemen qui n’ont plus droit à aucun égard ! Et M. Smith qui voulait les prendre par les sentiments ! Je leur enverrai du sentiment, moi, mais en bon plomb de calibre !

— Et on ne les a pas revus ? demanda Harbert.

— Non, mon enfant, répondit le marin, mais nous les retrouverons, et, quand vous serez guéri, nous verrons si ces lâches, qui frappent par derrière, oseront nous attaquer face à face !

— Je suis encore bien faible, mon pauvre Pencroff !

— Eh ! les forces reviendront peu à peu ! Qu’est-ce qu’une balle à travers la poitrine ? Une simple plaisanterie ! J’en ai vu bien d’autres, et je ne m’en porte pas plus mal ! »

Enfin, les choses paraissaient être pour le mieux, et, du moment qu’aucune complication ne survenait, la guérison d’Harbert pouvait être regardée comme assurée. Mais quelle eût été la situation des colons si son état se fût aggravé, si, par exemple, la balle lui fût restée dans le corps, si son bras ou sa jambe avaient dû être amputés !

« Non, dit plus d’une fois Gédéon Spilett, je n’ai jamais pensé à une telle éventualité sans frémir !

— Et cependant, s’il avait fallu agir, lui répondit un jour Cyrus Smith, vous n’auriez pas hésité ?

— Non, Cyrus ! dit Gédéon Spilett, mais que Dieu soit béni de nous avoir épargné cette complication ! »