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le secret de l’île.

distance de vingt milles dans l’est. Les colons n’avaient donc encore aucun moyen de signaler leur présence. Un pavillon n’eût pas été aperçu ; une détonation n’eût pas été entendue ; un feu n’aurait pas été visible.

Toutefois, il était certain que l’île, dominée par le mont Franklin, n’avait pu échapper aux regards des vigies du navire. Mais pourquoi ce bâtiment y atterrirait-il ? N’était-ce pas un simple hasard qui le poussait sur cette partie du Pacifique, où les cartes ne mentionnaient aucune terre, sauf l’îlot Tabor, qui lui-même était en dehors des routes ordinairement suivies par les longs courriers des archipels polynésiens, de la Nouvelle-Zélande et de la côte américaine ?

À cette question que chacun se posait, une réponse fut soudain faite par Harbert.

« Ne serait-ce pas le Duncan ? » s’écria-t-il.

Le Duncan, on ne l’a pas oublié, c’était le yacht de lord Glenarvan, qui avait abandonné Ayrton sur l’îlot et qui devait revenir l’y chercher un jour. Or, l’îlot ne se trouvait pas tellement éloigné de l’île Lincoln, qu’un bâtiment, faisant route pour l’un, ne pût arriver à passer en vue de l’autre. Cent cinquante milles seulement les séparaient en longitude, et soixante-quinze milles en latitude.

« Il faut prévenir Ayrton, dit Gédéon Spilett, et le mander immédiatement. Lui seul peut nous dire si c’est là le Duncan. »

Ce fut l’avis de tous, et le reporter, allant à l’appareil télégraphique qui mettait en communication le corral et Granite-house, lança ce télégramme :

« Venez en toute hâte. »

Quelques instants après, le timbre résonnait.

« Je viens, » répondait Ayrton.

Puis les colons continuèrent d’observer le navire.

« Si c’est le Duncan, dit Harbert, Ayrton le reconnaîtra sans peine, puisqu’il a navigué à son bord pendant un certain temps.

— Et s’il le reconnaît, ajouta Pencroff, cela lui fera une fameuse émotion !

— Oui, répondit Cyrus Smith, mais, maintenant, Ayrton est digne de remonter à bord du Duncan, et fasse le ciel que ce soit, en effet, le yacht de lord Glenarvan, car tout autre navire me semblerait suspect ! Ces mers sont mal fréquentées, et je crains toujours pour notre île la visite de quelques pirates malais.

— Nous la défendrions ! s’écria Harbert.

— Sans doute, mon enfant, répondit l’ingénieur en souriant, mais mieux vaut ne pas avoir à la défendre.

— Une simple observation, dit Gédéon Spilett. L’île Lincoln est inconnue des