Page:Jules Verne - L’Île mystérieuse.djvu/270

Cette page a été validée par deux contributeurs.
270
l’île mystérieuse.

« Et nous nous contenterons de notre nourriture pour tout gage ? »

Troisième grognement affirmatif.

« Sa conversation est un peu monotone, fit observer Gédéon Spilett.

— Bon ! répliqua Pencroff, les meilleurs domestiques sont ceux qui parlent le moins. Et puis, pas de gages ! — entendez-vous, mon garçon ? Pour commencer, nous ne vous donnerons pas de gages, mais nous les doublerons plus tard, si nous sommes contents de vous ! »

C’est ainsi que la colonie s’accrut d’un nouveau membre, qui devait lui rendre plus d’un service. Quant au nom dont on l’appellerait, le marin demanda qu’en souvenir d’un autre singe qu’il avait connu, il fût appelé Jupiter, et Jup par abréviation.

Et voilà comme, sans plus de façons, maître Jup fut installé à Granite-house.


CHAPITRE VII


Projets à exécuter. — Un pont sur la Mercy. — Faire une île du plateau de Grande-Vue. — Le pont-levis. — La récolte du blé. — Le ruisseau. — Les ponceaux. — La basse-cour. — Le pigeonnier. — Les deux onaggas. — Le chariot attelé. — Excursion au port Ballon.


Les colons de l’île Lincoln avaient donc reconquis leur domicile, sans avoir été obligés de suivre l’ancien déversoir, ce qui leur épargna des travaux de maçonnerie. Il était heureux, en vérité, qu’au moment où ils se disposaient à le faire, la bande de singes eût été prise d’une terreur, non moins subite qu’inexplicable, qui les avait chassés de Granite-house. Ces animaux avaient-ils donc pressenti qu’un assaut sérieux allait leur être donné par une autre voie ? C’était à peu près la seule façon d’interpréter leur mouvement de retraite.

Pendant les dernières heures de cette journée, les cadavres des singes furent transportés dans le bois, où on les enterra ; puis, les colons s’employèrent à réparer le désordre causé par les intrus, — désordre et non dégât, car s’ils avaient bouleversé le mobilier des chambres, du moins n’avaient-ils rien brisé. Nab ralluma ses fourneaux, et les réserves de l’office fournirent un repas substantiel auquel tous firent largement honneur.

Jup ne fut point oublié, et il mangea avec appétit des amandes de pignon et des racines de rrhyomes, dont il se vit abondamment approvisionné. Pencroff