Page:Jules Verne - L’Île mystérieuse.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
les naufragés de l’air.

végétation s’y montrait moins vigoureuse que dans toute la partie comprise entre les cours du creek et de la Mercy.

Cyrus Smith et ses compagnons ne marchaient pas sans une certaine circonspection sur ce sol nouveau pour eux. Arcs, flèches, bâtons emmanchés d’un fer aigu, c’étaient là leurs seules armes. Cependant, aucun fauve ne se montra, et il était probable que ces animaux fréquentaient plutôt les épaisses forêts du sud ; mais les colons eurent la désagréable surprise d’apercevoir Top s’arrêter devant un serpent de grande taille, qui mesurait quatorze à quinze pieds de longueur. Nab l’assomma d’un coup de bâton. Cyrus Smith examina ce reptile, et déclara qu’il n’était pas venimeux, car il appartenait à l’espèce des serpents-diamants dont les indigènes se nourrissent dans la Nouvelle-Galle du Sud. Mais il était possible qu’il en existât d’autres dont la morsure est mortelle, tels que ces vipères-sourdes, à queue fourchue, qui se redressent sous le pied, ou ces serpents ailés, munis de deux oreillettes qui leur permettent de s’élancer avec une rapidité extrême. Top, le premier moment de surprise passé, donnait la chasse aux reptiles avec un acharnement qui faisait craindre pour lui. Aussi son maître le rappelait-il constamment.

L’embouchure du Creek-Rouge, à l’endroit où il se jetait dans le lac, fut bientôt atteinte. Les explorateurs reconnurent sur la rive opposée le point qu’ils avaient déjà visité en descendant du mont Franklin. Cyrus Smith constata que le débit d’eau du creek était assez considérable ; il était donc nécessaire qu’en un endroit quelconque, la nature eût offert un déversoir au trop-plein du lac. C’était ce déversoir qu’il s’agissait de découvrir, car, sans doute, il formait une chute dont il serait possible d’utiliser la puissance mécanique.

Les colons, marchant à volonté, mais sans trop s’écarter les uns des autres, commencèrent donc à contourner la rive du lac, qui était très-accore. Les eaux semblaient extrêmement poissonneuses, et Pencroff se promit bien de fabriquer quelques engins de pêche afin de les exploiter.

Il fallut d’abord doubler la pointe aiguë du nord-est. On eût pu supposer que la décharge des eaux s’opérait en cet endroit, car l’extrémité du lac venait presque affleurer la lisière du plateau. Mais il n’en était rien, et les colons continuèrent d’explorer la rive, qui, après une légère courbure, redescendait parallèlement au littoral.

De ce côté, la berge était moins boisée, mais quelques bouquets d’arbres, semés çà et là, ajoutaient au pittoresque du paysage. Le lac Grant apparaissait alors dans toute son étendue, et aucun souffle ne ridait la surface de ses eaux. Top, en battant les broussailles, fit lever des bandes d’oiseaux divers, que