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Vincent, qui rit toujours, ne riait pas ce jour-là ! Il s’en fallait de tout ; on l’entendait qui disait : « Non ; non, » d’une voix dure, à travers la porte — et le petit Vincent qui pleurait :

« Je veux rester avec maman !

— Je te donnerai un cheval, avec un pistolet comme celui-là. »

Un pistolet ! un cheval !

Si mon père m’avait promis cela, et, en plus de m’emmener loin de ma mère ! s’il m’avait pris avec lui, sans la redingote à olives et le chapeau tuyau de poêle, quel soupir de joie j’aurais poussé ! — à la porte seulement — de peur que ma mère ne m’entendît et ne voulût me reprendre !… Oh ! oui, je serais parti !

Le petit Vincent, au contraire, pleurait et s’accrochait aux jupes.

Il y eut encore du bruit… le père qui se fâchait, la mère qui parlait plus haut et l’enfant qui sanglotait… puis la porte s’ouvrit, le burnous blanc passa. Il ne reparut plus.

Il me fit de la peine tout de même. Je le vis qui se cachait au coin de la rue ; il regardait la maison d’où il sortait, où étaient sa femme, son enfant ; il resta un long moment, l’air triste, et je crus m’apercevoir qu’il pleurait.

Je trouve des pères qui pleurent, des mères qui rient ; chez moi, je n’ai jamais vu pleurer, jamais rire ; on geint, on crie. C’est qu’aussi mon père est un professeur, un homme du monde, c’est que ma mère