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Grâces, et au lieu de me cacher de mon oncle, je lui ai montré que j’avais du sang à mon mouchoir.


C’est le jour du Reinage.

On appelle ainsi la fête du village ; on choisit un roi, une reine.

Ils arrivent couverts de rubans. Des rubans au chapeau du roi, des rubans au chapeau de la reine.

Ils sont à cheval tous deux, et suivis des beaux gars du pays, des fils de fermiers, qui ont rempli leurs bourses ce jour-là, pour faire des cadeaux aux filles.

On tire des coups de fusil, on crie hourrah ! on caracole devant la mairie, qui a l’air d’avoir un drapeau vert : c’est une branche d’un grand arbre.

Les gendarmes sont en grand uniforme, le fusil en bandoulière, et mon oncle dit qu’ils ont leurs gibernes pleines ; ils sont pâles, et pas un ne sait si, le soir, il n’aura pas la tête fendue ou les côtes brisées.

Il y en a un qui est la bête noire du pays et qui sûrement ne reviendrait pas vivant s’il passait seul dans un chemin où serait le fils du braconnier Souliot ou celui de la mère Maichet, qu’on a condamnée à la prison parce qu’elle a mordu et déchiré ceux qui venaient l’arrêter pour avoir ramassé du bois mort.


En revenant de l’église, on se met à table.

Le plus pauvre a son litre de vin et sa terrine de riz sucré, même Jean le Maigre qui demeure dans cette vilaine hutte là-bas.