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la pension, un créole des Antilles qui ne sort que par hasard, et un petit Japonais qui ne sort jamais.

Ils payent cher, ceux-là ; moi, je suis engagé au rabais, et je devais avoir des prix. Je n’ai rien eu, et je mange beaucoup.


J’ai écrit. Si mes parents ne viennent pas demain, si je n’ai pas de réponse, je quitte la maison et je pars.

Legnagna me laissera filer, par économie, sans aller chez le commissaire, cette fois.

Oh ! ces lettres attendues ! ce facteur guetté ! mes supplications dont mon père et ma mère se rient !

J’ai presque pleuré dans mes phrases, en demandant qu’on vînt me chercher, parce que Legnagna me larde de reproches éternels.

« C’était bien assez de me nourrir pendant l’année, il faut qu’il me nourrisse encore pendant les vacances ! »


Un jour une scène éclate ; mon père est en jeu. Legnagna arrive échevelé.

« Quoi ! me dit-il en écumant, je viens d’apprendre que monsieur votre père gagne de l’argent, s’est fait huit mille, cette année ; je viens d’apprendre que j’ai été sa dupe, que je vous ai fait payer comme à un gueux, quand vous pouviez payer comme un riche. C’est de la malhonnêteté cela, monsieur, entendez-vous ? »

Il frappe du pied, marche vers moi…

Oh ! non, halte-là ! Gare dessous, Legnagna !