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« Je suis une vieille… Me trouves-tu bien vieille, dis ? »

Elle me regarde avec des yeux comme des étoiles.

« Non, non.

— Tu me trouves jolie ou laide ? Tu n’oses pas me répondre ? C’est que tu me trouves laide alors, trop laide pour m’embrasser…

— Non… mais non !..

— Eh bien ! embrasse-moi donc, alors… »


Elle me mène au spectacle chaque fois que je suis premier, comme c’est convenu.

Il y a un mois que nous nous connaissons.

« Tu aimes à venir avec moi ? me demanda-t-elle un jour.

— Oui, Madame, moi j’aime bien le théâtre, je me plais beaucoup à la comédie. »


Une fois, à Saint-Étienne, on m’avait mené voir les Pilules du Diable ; j’étais sorti fou, et je n’avais fait que parler, pendant deux mois, de Seringuinos et de Babylas. C’était des drames, maintenant ; quelquefois de l’opéra. Il n’y avait plus tant de décors ! Mais, comme je prenais tout de même à cœur la misère des orphelins, les malheurs du grand rôle ! Et les Huguenots, avec la bénédiction des poignards ! La Favorite, quand mademoiselle Masson chantait : « Ô mon Fernand ! »

Elle dénouait ses cheveux, tordait ses bras :


Ô mon Fernand, tous les biens de la terre !