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au bout d’une pique, et enfoncé à la grille devant le palais.


Je ne suis qu’un isolé, un déclassé, un inutile, — je ne sers à rien, — on me bat, je ne sais pas pourquoi ; tandis que Bonaventure est un exemple et entre à reculons, mais profondément dans la philosophie.

Je ne plains pas Bonaventure.

Bonaventure est très laid, très bête, très méchant. Il bat les petits comme son père le bat, il les fait pleurer et il rit. Il a coupé une fois la queue d’un chat avec un rasoir et on la voyait dégoutter comme un bâton de cire à la bougie ; il faisait mine de cacheter les lettres avec les gouttes de sang. Une autre fois, il a plumé un oiseau vivant.

Son père était bien content.

« Bonaventure aime à se rendre compte, Bonaventure aime la science… »

Depuis qu’il a coupé la queue du chat, depuis qu’il a plumé l’oiseau, je le déteste. Je le laisserais écraser à coups de pierre comme un crapaud. Est-ce que je suis cruel aussi ? L’autre jour il tordait le poignet d’un petit ; je l’ai bourré de coups de pied et tapé le nez contre le mur.


Mais sa petite sœur ! — ô mon Dieu !


Elle était restée chez une tante, au pays. La tante est morte, on a renvoyé l’enfant. Pauvre innocente, chère malheureuse !