Page:Jules Vallès - L'Enfant.djvu/271

Cette page a été validée par deux contributeurs.


Tu, vous


La maison est redevenue morne presque autant que jadis, du temps de madame Brignolin, quand c’était si triste. Mon père ne va plus en soirée, il va je ne sais où.

Ma mère, un soir, m’a ordonné de le suivre en me cachant. Mais mon père est arrivé au même moment.

Je me tenais devant elle, tout craintif, tout honteux, me disant tout bas : Est-ce que c’est bien d’espionner son père ?

« Voulez-vous donc faire un policier de votre fils ? a-t-il dit. J’ai entendu ce que vous lui recommandiez. »

Ce vous la fit pâlir. Jamais elle ne m’en reparla depuis.

Elle essaye de rattraper par quelque bout le terrain qu’elle perd, on le sent à l’accent, on le voit au geste.

« C’est que, dit-elle, ce n’est pas gai d’être éveillé tous les soirs quand tu rentres…

— Je ne vous réveillerai plus, répond mon père. »

Le soir de ce jour-là, mon père alla chercher un matelas et un pliant dans le grenier.


On n’entendit plus de bruit dans la maison. Nous vivions chacun dans notre coin, et l’on se parlait à peine.

Les femmes de ménage au bout de huit jours partaient, disant qu’on jaunissait dans cette baraque.