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des vilains arbres qui sont cause qu’on s’est coupé.

On va vers la mare où les canards barbotent, on va dans la grange où les fléaux s’arrêtent quand les demoiselles et le cousin entrent ! Puis ils repartent décrivant un grand cercle, et battent en mesure les gerbes sur le plancher sonore. J’en attrape un pour essayer ; je sens tourner le battant qui part comme une fronde, et qui revient comme un marteau, qui prend de l’air et fait du vent… S’il touchait une tête, il la casserait comme du verre.

Au fond du clos, il y a un trou plein d’eau et de branches mortes, avec de petites grenouilles vertes qui luisent au soleil ; je fais une ligne avec un bâton que je ramasse à terre, un bout de ficelle que je trouve dans mes poches, et une épingle que fournit Marguerite. Sa sœur donne un morceau de ruban écarlate, et la pêche commence.

Quels cris quand la première rainette mord ! Mais il faut l’arracher de l’hameçon, personne n’ose, la grenouille s’échappe et les jeunes filles s’enfuient.


Je les suis ! Nous passons une journée délicieuse à battre les champs, à entrer jusqu’aux genoux dans la rivière ! je cours après elles en sautant sur les pierres, que polit le courant.

À un moment, le pied me glisse et je tombe dans l’eau.

Je sors ruisselant, et je m’en vais le pantalon tout collé et pesant, m’étendre au soleil. Je fume comme une soupe.