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Si par hasard ce n’était rien, que deviendrais-je ?

Comment oser rentrer devant ma mère. Et les lapidés, que me feront-ils ?

Le médecin hoche la tête avec un ah ! qui est triste. Je fais l’évanoui pour mieux l’entendre.

« C’est grave, c’est grave ! »

Dieu soit loué ! Qu’on aille vite dire à ma mère que c’est grave, pour qu’elle ne pense pas à me gronder et à me rosser.

C’était grave ; je ne pouvais pas dire un mot. Plus de chance que je ne méritais : on dit que j’ai la langue coupée ! Comme c’est commode ! pas d’explication à donner ; je serai malade pendant longtemps probablement, et tout sera apaisé quand je serai guéri.


Je restai longtemps sans pouvoir parler, mais je ne parlai point dès que je le pus.

Je voyais bien qu’à mesure que je guérissais, ma mère faisait des additions.

« Déjà pour deux francs de diachylon ! »

Brave femme qui voulait l’économie dans son ménage, et n’oubliait jamais les lois d’ordre, qui sont seules le salut des familles, et sans lesquelles on finit par l’hôpital et l’échafaud.

Moi je me désolais à l’idée que j’allais guérir !

J’appréhendais le moment où je serais à point pour être corrigé, quoique je n’eusse pas besoin d’une roulée pour n’avoir pas envie de recommencer ; je ne me sentais pas la moindre inclination pour un nouveau