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aperçu l’esprit malin, dont il ne voulut jamais souffrir la présence, ni tant qu’il vécut, ni à sa mort. »

Quant aux mots que notre patois doit au courant allemand ou alsacien, ils sont très-nombreux ; mais ce n’est, guère que dans la montagne qu’ils ont pris droit de nationalité. Nous en dresserons une petite liste pour montrer de quelle façon ils se sont transformés. Il en est quelques-uns toutefois qui nous paraissent empreints d’une assez haute antiquité.

Buquè, frapper ; on dit aussi beuquè. Le premier appartient encore au patois picard et rouchi ; son origine teutonique n’est pas démontrée seulement par l’allemand moderne pochen, mais par le hollandais beuken et le suédois boka ; ce mot est même descendu avec les Germains en Italie où il a pris la forme picchiare. Nous croyons que le mot populaire bucher, donner des coups, provient de la même source. Toutefois la racine serait-elle celtique ? Boc, veut dire coup en irlandais et en écossais.

Per lèye, seule, mot à mot pour elle. C’est l’expression allemande, traduite avec des mots français : für sich, seul, (pour soi) ; für sich leben, vivre seul. Le patois dit au masculin tou perlu, tout seul, to po li, à Gérardmer ; tô poua lu, au Ban-de-la-Roche. Les Italiens disent de même ; du me, da te, da se, moi seul, toi seul, lui seul. Nous aussi, mais en faisant une faute consacrée par l’usage, nous disons à part soi, à part lui, au lieu de à par soi, à par lui, sans t, (per se, en latin).