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terres, des hommes et des capitaux, et où l’on déciderait de laisser, à partir d’un moment donné, la production et l’échange s’effectuer sous l’empire de la plus libre concurrence, du plus complet, du plus absolu laisser-faire, laisser-passer, abstraction faite de toute considération d’intérêt ou de justice, je veux dire non pas du tout parce que l’on croirait cela plus utile ou plus équitable, mais uniquement pour savoir ce qui arriverait. Eh bien ! sans attendre l’expérience, on peut dire que, dans ce pays, au bout d’un certain temps de ce régime, il arriverait nécessairement trois choses :

1° Il y aurait telles et telles espèces de produits en quantités déterminées : tant d’hectolitres d’avoine, tant d’hectolitres de blé, tant de livres de café, etc. On serait, il va sans dire, plus ou moins bien renseigné par la statistique sur ces diverses quantités de produits ; toujours est-il qu’elles seraient, à chaque instant, parfaitement déterminées ou mathématiques.

2° Tous ces produits auraient chacun un prix déterminé, c’est-à-dire qu’ils s’échangeraient les uns contre les autres en certaines proportions déterminées de quantité : 1 hectolitre de blé s’échangerait contre 2 hectolitres d’avoine et contre 10 livres de café, etc. Ces prix, bien entendu, seraient plus ou moins susceptibles de varier d’un moment à l’autre ; il n’en est pas moins vrai qu’ils seraient, eux aussi, à chaque instant, parfaitement déterminés ou mathématiques.

3° Enfin, tous les services producteurs existant dans le pays auraient également chacun un prix déterminé ou mathématique : telle ou telle terre se vendrait tant et se louerait tant ; le salaire de tel ou tel travailleur serait de tant par journée ; l’intérêt du capital serait de tant pour cent par an.

Tels sont donc les effets naturels et nécessaires de la libre concurrence en matière de production et d’échange. L’étude de ces effets doit, à mon sens, être poursuivie d’une manière spéciale, indépendamment de toute question et antérieurement à toute conséquence d’application. Elle constitue, d’ailleurs, un problème extrêmement vaste et compliqué, qu’en vue d’une solution plus facile on peut, je crois, partager en deux autres.

Laissant d’abord de côté, pour la considérer plus tard, cette circonstance que l’avoine, le blé, le café, etc., sont des produits, et n’y voyant que des marchandises qui s’échangent sur un marché, on cherche la relation qui existe entre les quantités de ces marchandises et leurs prix sous l’empire de la libre concurrence. C’est un premier problème qui forme l’objet de la Théorie mathématique de l’échange et qui pourrait à la rigueur s’énoncer ainsi : — Étant données les quantités des marchandises, formuler le système d’équations dont les prix de ces marchandises sont les racines.