Page:Journal des économistes, 1874, SER3, T34, A9.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


V

Notre premier problème étant résolu, je passe au second qui consiste : Étant données deux marchandises (A) et (B), et l’utilité de chacune de ces deux marchandises pour chacun des échangeurs, ainsi que la quantité de chacune d’elles possédée par chacun des porteurs, à déterminer les courbes de demande.

Il semble qu’ici je quitte décidément le terrain scientifique pour m’égarer sur celui des éléments non susceptibles de calcul ; j’espère faire voir que non. Des deux éléments que je viens d’énoncer, il y en a d’abord un qui est parfaitement appréciable : c’est la quantité de chaque marchandise possédée par chaque porteur. À la vérité, il y en a un autre qui n’est ni avec l’espace ni avec le temps dans un rapport direct et mesurable : c’est l’utilité de chacune des deux marchandises pour chacun des échangeurs. Il semble donc au premier abord que, pour cette raison, nous devions nous arrêter. Mais non : cette circonstance, qui s’opposerait évidemment à toute application numérique, ne s’oppose nullement à une expression mathématique pure et simple. En physique, en mécanique, on fait entrer dans les calculs des éléments comme les masses, par exemple, qui ne sont pas non plus directement mesurables. Usons du même procédé. Supposons, pour un instant, que l’utilité soit susceptible d’une mesure directe, et nous allons pouvoir nous rendre un compte exact et mathématique de l’influence qu’elle exerce, concurremment avec la quantité possédée, sûr les courbes de demande et, par suite, sur les prix.

Je suppose donc qu’il existe un étalon de mesure de l’intensité des besoins, ou de l’utilité intensive, commun non-seulement aux unités similaires d’une même espèce de la richesse, mais aux unités différentes des espèces diverses de la richesse. Dès lors, soient deux axes de coordonnées (fig. 3), un axe vertical et un axe horizontal . Sur le premier , je porte, à partir du point 0, une longueur représentant la quantité totale de (B) que le porteur (1) serait en état de consommer, s’il l’avait à sa disposition. Cette longueur représente l’utilité extensive qu’a la marchandise (B) pour le porteur (1), ou l’extension du besoin qu’a ce porteur (1) de la marchandise (B). Mais toutes les unités ou fractions d’unités composant la quantité de (B) dont il vient d’être parlé n’ont pas, pour le porteur (1), une utilité également intense. C’est pourquoi je suppose la quantité partagée en un certain nombre de quantités successives , , …chacune d’une intensité uniforme d’utilité et que le porteur (1) consommerait successivement s’il