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année 1899


Dimanche 5 février.

Comment faire pour vivre assez par jour ? Ces dernières années, je croyais à mes études, il me les fallait ; d’ailleurs elles pouvaient alors constituer mon travail. Maintenant c’est trop peu. J’ai besoin d’une effrayante quantité de travail. Un arrêt, c’est une halte dans le désespoir. Où trouver ce qui vaille pareille application ?

Écrire ? J’aurai beau faire, il arrivera un moment où je ne pourrai plus m’en empêcher.

Il n’y a absolument rien dans ma vie. Il me faut un art infini pour m’occuper avec mes ressources, avec mes études ; non seulement je m’ennuie, mais je ne cesse pas de m’ennuyer.

Écrire m’a toujours semblé le sacrifice de la femme à l’auteur ; eh bien, elle est perdue pour moi, la femme ; il s’agit de sauver ce qui en reste !


Samedi 11 février.

Je rentre du mariage de X… Elle et lui également grands, élégants et chic. Un cortège d’élégantes dans la noble uniformité d’un deuil noir.

Si l’on était sincère, on avouerait que la fortune est la moitié du bonheur. Elle l’embellit tellement !