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XLVI
PRÉFACE

goutte à goutte, mes dix années terribles à l’originalité desquelles la Providence s’est tant appliquée, goutte à goutte conservées d’une manière telle que je comptais là-dessus, sur ce pis-aller de testament, pour mourir avec un peu moins de rage. »

Traduisez : — Après moi, le journal sera là pour dire à mes admirateurs :

« Vous m’avez toujours vue souriante, jamais vous n’avez surpris en moi la moindre défaillance, et maintenant apprenez ce qu’il m’a fallu d’énergie pour ne pas vous crier ma détresse. »

C’est pour obéir à ce vœu suprême que la mère de Marie s’est décidée à publier ces pages non sans m’avoir avoué qu’elle avait déjà longuement hésité avant d’entreprendre la lecture de ces lignes mystérieuses dont elle ne soupçonnait pas le contenu. On le verra, il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un journal, c’est-à-dire de la notation, au jour le jour, des péripéties d’une existence ; il se trouve pour cela bien trop de lacunes, des mois d’intervalle sur une même page, des années qui en remplissent à peine trois ou quatre. Marie disait qu’elle ne venait à ses cahiers que dans ses « migraines mentales ». Ces méditations pendant les heures noires, sont donc de touchantes invites à la plaindre adressées à ces hommes en dehors desquels le reste n’est rien. Mais tout en ne marchandant pas