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ANNÉE 1916

Oh ! ce n’est pas dans les journaux qu’il faut chercher des interprétations ! Le fait que les petits neutres d’Europe ne répondent pas à son geste — ce qu’il n’a jamais vraisemblablement attendu — n’est rien à côté de ce fait que le geste a eu lieu. Il faut tout ignorer des genèses historiques pour ne pas donner leur importance aux chiquenaudes initiales. « Idéalisme » ? Mais il n’y a pas une démarche des hommes qui n’ait son mobile et son point de départ dans une idée. La guerre actuelle est plus riche en idéalisme, en mysticisme forcené que tous les programmes des pacifistes. Quelle idéologie que cette définition allemande, et pas seulement allemande de l’État ! C’est la guerre qui exige qu’on meurt pour une idée, ce n’est pas la paix. Et comme on reconnaît les livres et les paroles, comme on reconnaît les idées — assez récentes d’ailleurs — comme on reconnaît les idéalistes responsables dans le cataclysme actuel ! Idées fausses économiques, idées fausses ethnologiques, marottes absurdes sur la « psychologie des peuples », interprétations traditionnelles et livresques des historiens, recours aux moyens surannés et d’ailleurs inopérants, il n’y a que cela dans les guerres modernes.

Il n’y a pas jusqu’à la résignation générale aux « passions humaines », cette scandaleuse rengaine, qui ne soit l’idée fausse, le préjugé impardonnable, l’idéologie prétentieuse des cerveaux. On ne décrète