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ANNÉE 1916

à ne point croire ce qu’il répète, c’est encore la plus forte raison qui milite en faveur de « la guerre fatale ». Ce ne sont pas les « passions humaines » bien au contraire, c’est l’inertie humaine qui agit ici.

Changez le répertoire du sansonnet, apprenez-lui à siffler la paix, au lieu de siffler la guerre ; peut-être serez-vous assez naïfs pour prétendre que l’oiseau a bien évolué.

Peut-être m’objectera-t-on que l’obstacle, parce-que ridicule, n’en est pas moins énorme. Les énormités de ce monde, dès qu’on est résolu à dépouiller tout lyrisme verbal, perdent beaucoup de leurs dimensions. Ne nous exagérons rien, même nos tâches. La besogne à accomplir était d’une nécessité moins primordiale, le jour où quelqu’un s’est avisé de dire : « Si c’est possible, c’est fait, si c’est impossible, cela se fera. » — Le monde est à notre mesure, soyons plus simple, même quand nous nous attaquons aux plus fortes résistances de l’espèce.

Il est vrai que l’exercice d’une volonté moyenne est encore assez rare chez l’homme. Je ne parle pas des combattants, ceci soit dit une fois pour toutes. L’héroïsme qu’ils dépensent est hors de cause puisque je me révolte jusqu’à la passion, jusqu’à l’agonie, du fait qu’ils aient encore à le dépenser. Ceci bien établi, la différence des réactions devant la guerre, la soumission des cerveaux en général et même l’exploi-