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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

peut-être encore plus « l’utopie » que la guerre. Il faut procéder par voie d’autorité, lui montrer qu’il n’y a pas plus de sécurité pour l’amour-propre d’un côté que de l’autre, que l’on soit pour ou contre l’utopie. Car, en somme, la guerre, événement politique, la guerre contingence, ils ignorent cela. Parce que c’est douloureux, cela doit être fatal. Ôtez la douleur, ils comprendraient mieux la désuétude, la gratuité, la bizarrerie du rouage diplomatique et gouvernemental.

À Marie G…, à propos du Book of France : « Mais enfin l’héroïsme ne doit pas être la passivité, et l’absence de finalité de la guerre ne sera jamais assez dénoncée. Il y a chez nos chefs intellectuels, une tendance à faire de l’héroïsme pour l’héroïsme, qui est par trop la marque professionnelle : l’art pour l’art ».

Quelle effroyable vie du cœur mais, tout de même, quelle vie ! Voilà les plus tièdes attachements humains, les plus banals, transfigurés dans l’héroïsme et la mort. C’est le seul côté par où l’on puisse presque soutenir la vue de la guerre.

À Marie B… — En fait de politique, il ne suffit pas d’avoir raison, il faut être sûr qu’on vous donnera raison. En se livrant à une démonstration inutile, donc un peu ridicule, les femmes ont nui à leur cause et à celle de la paix.

Je crois avec Wells que c’est par une formidable