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XXXII
PRÉFACE

deviendrais aussi bête qu’une oie et précisément parce que je le serais je ne m’apercevrais pas avoir baissé. Quand à l’esprit je crois que je l’aime trop et que parfois je le rapproche de la moquerie ; moi qui ne déteste rien plus que d’être moquée, ce n’est pas à cause de l’opinion particulière de la personne qui se moque de moi, les opinions particulières me sont assez indifférentes (à moins qu’elles ne viennent de personnes que j’aime et que j’estime) mais ce sont ces opinions privées qui font l’opinion générale ! Et je dois avouer que l’opinion générale m’occupe assez, je crains énormément le ridicule.

« Quand au jugement je crois en avoir, en voyant une personne pour la 1re fois je sais de suite son caractère ; mais je sais que le jugement se fausse si facilement et je subis tant les influences ! Ce n’est pas que je sois faible et que je renonce à mes opinions, mais c’est que je n’en ai pas encore et comme une fois qu’on en a je n’admets pas qu’on les abjure, avant de m’en faire j’attends à avoir plus de jugement et d’expérience. C’est la fidélité à ses sentiments et à ses convictions qui dans sa suprême extansion fait des martyrs !

« Je suis très loin d’être douce et pourtant mon naturel est plutôt doux mais depuis quelque temps je me suis fait sur la résistance des idées déplorables. Ainsi ces temps-ci, je lutte beaucoup avec maman pour ma toilette, ce n’est pas que je tienne énormément à être