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JOURNAL DE MARIE LENÉRU


DEPUIS LA GUERRE

« Il n’y a rien à faire à cela et il n’y a rien à dire. Le soldat mesure la quantité de terre où on parle une langue, où règnent des mœurs, un esprit, une âme, un culte, une race. Le soldat mesure la quantité de terre où une âme peut respirer. Le soldat mesure la quantité de terre où un peuple ne meurt pas. C’est le soldat qui mesure la quantité de terre temporelle, qui est la même que la terre spirituelle et que la terre intellectuelle. Le légionnaire, le lourd soldat, a mesuré la terre à ce que l’on nomme improprement la douceur virgilienne et qui est une mélancolie d’une qualité sans fond. »

Péguy.

9 sept.

Pendant que se livre la grande bataille, quel besoin de voir sentir ainsi ! X… parle mystérieusement. « Lundi dernier ça allait très mal, on ne le dit pas aux populations ». Toujours les lettres ont ce ton là. Dès le début on ne comptait sur rien, ni sur nous, ni sur les Russes. Pourtant on escomptait la victoire finale : Pourquoi ? La famine en Allemagne. Comme c’est glorieux ! Ce pessimisme est fait de tant de choses que je n’aime pas. De frousse d’abord. Ensuite comme