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ANNÉE 1912

d’aucune acrobatie passionnelle pour durer, mais seulement de l’éperon d’une belle existence. Il lui dit carrément que l’amour ne lui suffirait pas, mais il lui dit aussi que s’il a voulu autre chose, « c’est pour mériter une première place au banquet de l’amour ». Mais quel beau noviciat qu’une telle séparation. On est ému d’une attente si digne, si frémissante, mais dont pas un mot ne cesse d’être surveillé, un respect, une retenue virile, pas un cri de théâtre, déjà une simplicité conjugale. Un bon réalisme de l’impatience dans l’inquiétude et la minutie concernant les dates des courriers.

J’imagine que voilà une femme qui en a fini avec le bonheur…

Est-ce mal de penser que ces dures fiançailles et la cruauté de la fin, c’était ce que la vie pouvait encore lui donner de plus beau, et surtout, est-ce vrai ? Qu’aurait été le mariage du colonel Moll ?


21 avril.

Mme D… me disait hier que, en somme, toutes ces pièces revenaient au même sujet : la supériorité de l’individu sur son milieu. Il y aurait là, en effet, matière très suffisante à alimenter un théâtre, car les combinaisons sont toujours infinies, et l’individu