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JOURNAL DE MARIE LENÉRU


Ouchy, 20 septembre.

À Mme D… Ce que je perds de plus en plus, c’est la notion du temps. Un an, cela vaut aujourd’hui un mois quand j’avais dix ans. Je ne dirais pas que cela passe très vite ; une année, au contraire, me semble avoir le faible contenu, mais, en revanche, la présence d’une même journée. Voilà pourquoi je suis très fidèle sans le paraître.

Pourquoi ne quittez-vous jamais la Bretagne ? C’est si agréable de se mouvoir dans le monde, d’y avoir ses coins et ses habitudes comme à l’intérieur d’une seule ville.


Villa Saïd, 11 novembre 1907.

Mmes de Noailles, de Régnier, Delarue-Mardrus, oui, voilà des talents et voilà des rivales. Mmes Tynaire et Colette Yver sont intelligentes ; cependant, non. Pourquoi ? Elles ne sont pas des écrivains. Elles ne repensent pas ce qu’elles voient.

Ce sont des raconteuses et des parleuses, quand elles écrivent, elles ne sont pas occupées à sentir, elles ne créent pas une correspondance nouvelle du style à la vie, elles ne sont pas des sensibilités-forces, nous n’avons rien à hériter d’elles.