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ANNÉE 1905

pératrice d’Autriche, Ernest Renan ou Gustave Flaubert ? Et le dirai-je, la présence de Lucile n’explique-t-elle pas toute la distance de Camille Desmoulins à Saint-Just ?

Ce qui nous porte les uns vers les autres, ce que nous ressentons pour les vivants ou pour les morts, pour ceux qu’on rencontre ou pour ceux qu’on admire, c’est, à tel degré qu’on vous dira, toujours de l’amour, de l’amour qui se heurte au seuil des intimités. Donnez un amour à Marie Bashkirtseff et dites si vous ne la détruisez pas. Faites de Charlotte Corday la maîtresse de Barbaroux et vous ridiculisez son acte.

À Mme X… Puisque vous nommez Nietzsche, j’ai bien envie de vous répondre à sa manière : « Oui, j’ai écrit dangereusement, mais de tout ce qui est beau en ce monde, qu’est-ce qui n’est pas redoutable ? Le Christianisme n’a-t-il pas été prêché dangereusement ? » Y a-t-il vraiment dans la mort telle que l’impliquent les grands enthousiasmes, de quoi déshonorer le fanatisme ? On ne fera jamais pis que braver sa mort et celle des autres. Est-ce donc si grave ? et vaudrait-il mieux vivre sans martyre et sans foi ?

En définitive je suis allée à Saint-Just, comme Barrès à Bonaparte, « sans parti pris social ni moral » pour lui demander « de l’élan » et savez-vous, Madame,