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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

ne fais rien, et l’on me dérange moins en interrompant mes lectures et mes écritures. Hier j’avais envie de crier : mais si vous continuez à me distraire, il est bien inutile que je ne fasse rien !

D’ailleurs, nous ne devrions jamais nous montrer au repos. C’est trop d’intimité. Dès qu’on n’a plus affaire aux autres, se reprendre. Une présence, inutilement prolongée, est un affaissement. Même en famille, même en amour, savoir disparaître pour garder la belle tension vitale des rapports.


5 septembre.

Que de degrés dans la tristesse ! Il y a des jours où l’on voudrait non pas pleurer, il n’y a pas d’attendrissement, mais crier toute la journée, de quart d’heure en quart d’heure, comme les fous, pour se débarrasser d’une chose intérieure et pesante.

J’étais un si bel instrument à rire, une si parfaite machine à gaieté, que n’en plus produire me détraque, me désorganise plus qu’une autre. Je n’oublierai jamais toute la gaieté que je n’ai pas eue !


1903. Le Trez-Hir, sept.

Impossible de refaire l’écrivain : je ne m’accroche à rien. Ce qui peut convenir à moi et aux autres, je