Page:Journal de Marie Lenéru.djvu/261

Cette page a été validée par deux contributeurs.
197
ANNÉE 1902

fils de 20 ans, de mener un veuvage de 30 ans, avantages qui ne s’expriment que par des négations et que je ne vanterai pas, moi qui ai toujours dit, et qui ai toujours écrit que nous étions moins pauvres de ce que nous perdons, que de ce qui nous manque, et moins frustrés de ce que nous n’avons plus, que de ce que nous n’aurons jamais. Le célibat est supportable parce qu’en définitive, au monde, tout l’est, mais c’est avec la mort une grande mélancolie et aussi sombre pour l’homme que pour la femme.

Il est inadmissible de parler des cloîtres comme d’une école de célibat. Ils sont une école de virginité, mais avec des noces spirituelles, et la plus intense obsession de l’union. Ce n’est pas une métaphore que ce mot d’amour qui nous choque un peu dans la bouche des mystiques. Les religieuses sont aussi complètement des épouses qu’il est possible à une âme de l’être.

Mais si je constate une impatience, une angoisse à vieillir de mes journées, si, alors même que je travaille le plus, j’ai la sensation de l’en vain, si le travail, l’effort artistique d’autrui dont je m’enchantais d’abord, se couvre de ridicule et soulève au fond de moi-même le rire inextinguible de la vanité, si dans ma lutte avec la mort, incroyable de stratagèmes, je sens que j’ai le dessous… C’est donc que je suis dans le faux, que toutes les ressources je ne