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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

Faute de rois, comme Madame, j’aimerais dans ma famille ne trouver que des navarques.

Dans le salon de ma grand’tante où j’écris ceci, il y a de grandes peintures, les portraits d’un amiral, d’un commissaire général, et de deux capitaines de vaisseau.

Je ne peux jamais penser sans révolte à l’amiralissime qu’eût été mon père. J’ai suivi avec passion la carrière de l’amiral F., tous deux valaient le même avenir.


1901. 22 novembre.

Il m’arrive de commencer par n’aimer pas ce que je dois aimer beaucoup, car, avec Schopenhauer, j’en suis là. J’ai la seule vraie indépendance, je choisis mes soumissions. Il est vrai que je ne me soucie guère d’élire une doctrine, mais d’apprécier un homme. Or celui-ci est intelligent, il ne cherche pas à tirer modestie de sa philosophie. Il sait dire avec beaucoup d’allure, une belle ampleur d’expression : Kant et moi. Il nous importe si peu qu’Arthur Schopenhauer ait eu d’humbles sentiments de soi-même, selon l’Imitation ! Il a le bon goût de comprendre que cela est indifférent à la métaphysique, et moi elle me plaît cette conscience de soi ajoutée au mérite. C’est étonnant comme j’ai peu besoin de l’humilité d’autrui !