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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

« Notre vie n’est que mouvement. »

Oh ! ce motus animae continuus, dont parle Cicéron, ce doit être la vie intellectuelle.

Et puis le plein air, les pleines heures sous toutes les inclinaisons du soleil et de la lune… La vie domiciliée est anormale et monstrueuse. J’ai fait le vœu ce matin en sortant de la cathédrale, devant ces remparts et leur fossé, leurs mâchicoulis et leur Tour du Connétable, découpés en pleine matinée, intaillés en ciel dur, bruns, ligneux et frais comme les troncs en lisière d’une haute futaie, je me suis promis, je me suis juré de vivre au soleil à grande atmosphère, de vivre et mourir sous mon ombrelle mieux promenée, par le monde, qu’une épée de croisade.

L’ombrelle errante de l’impératrice d’Autriche.


Lorient, 1er juin.

J’ai revu Darcy, le héros de Pékin, et je me suis étonnée moi-même de la simplicité, hors les usages, avec laquelle, d’instinct, j’ai fait des avances et comme rendu hommage à ce jeune homme.

Oh ! je ne suis pas l’enthousiasme féminin, récompense mondaine de l’illustration masculine ! Une notoriété, que je ne partage pas, n’a aucune raison d’émouvoir le réalisme profond de mon ascétisme