Page:Journal de Marie Lenéru.djvu/157

Cette page a été validée par deux contributeurs.
99
année 1900

gat cohérent, je suis un agrégat cohérent, le pape est un agrégat cohérent.

Je suis dans un abîme de solitude, je ne veux voir personne, même ceux qui seraient agréables. Sans la voix tout fatigue et tout ennuie. Et puis si, à la rigueur, il m’arrive de rencontrer vraiment de l’intelligence, la culture et les préoccupations sont trop différentes. Il me faudrait un milieu de Capitale. Si j’avais seulement un ou deux millions, je pourrais recevoir à Paris ou à Rome, choisir mes amis, m’entourer comme je voudrais. Et l’on veut que je ne désire pas l’argent par-dessus tout ! Oui, avant tout, avant même la santé. Je ne suis pas née intéressée, mais j’ai réfléchi. Je me serai trop effroyablement ennuyée faute de millions pour ne pas savoir l’immense part de vie qu’ils représentent.

L’argent, c’est la conquête de la terre par les voyages, de l’art par les musées et des hommes par les réceptions et la charité. L’argent est le courant électrique entre la vie et nous : sans argent, il n’y a pas de contact.

À défaut de cela, il y a le talent, c’est une question de vie sine qua non, mais un talent dépassant toutes les mesures, c’est le mot de Marie Bashkirtseff : « Ce n’est pas un talent honorable qui me récompenserait de tous les ennuis, il faudrait un éclat, un triomphe qui s’appellerait Revanche ».