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année 1900

Eyre soulève des questions, et c’est très dosé de romanesque, voire même de mélodrame, pour un goût français. Trop d’amour en littérature.

La vie est plus riche que cela, et c’est pourquoi je préfère les poètes aux romanciers.


17 janvier.

Ma vie ne m’occupe pas assez, de sorte que ma pensée ne marche pas toute seule, il faut que je la dirige comme une méditation.

Le soir, en attendant le sommeil ou pendant ma longue toilette, cela sonne trop creux. Je m’en tire en faisant un programme point par point, échelon par échelon, mais à force de revoir ce programme j’en ai assez. Mon plus grand sommet, comme dirait Zarathoustra, ne m’attire plus, il me semble que j’en reviens. De sorte que j’en suis à ne pas pouvoir me réfugier dans l’avenir, de peur de me le gâter. Ce qui est déjà fait d’ailleurs et vivrais-je n’importe quoi, j’aurais de la peine à ne pas éprouver la sensation d’un fastidieux recommencement.

Enfin, il y a la ressource de se rappeler en musique et en poésie tout ce qu’on sait par cœur — en poésie, c’est extrêmement réduit. Un opéra, une symphonie d’un bout à l’autre, en se désespérant aux mesures qui ne reviennent pas.