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même si c’était médiocre, si cela ne pouvait être qu’un maximum provisoire, je l’avouerais à tout le monde, ce serait un tel résultat de pouvoir dire : Au moins c’est tout ce que je peux, je me suis emparée de toutes mes ressources actuelles.

Ce qu’il y a de comateux en nous !

Pauvre misérable cerveau qui nous sert d’âme.

J’ai besoin d’effort et d’application intellectuels, comme d’autres ont besoin d’air et d’exercice.

Écrire est pour moi une véritable lecture de moi-même, dans laquelle je rencontre souvent bien plus d’inattendu que dans un bouquin même original.

Mais ce que je lis n’existait pas avant, je l’y mets en le découvrant.

Donc il faut écrire pour exister, pour devenir soi.

Quand j’étais janséniste et que je relisais mes cahiers de copie, j’éprouvais de la gêne à reconnaître que sans les belles pensées, toutes littérairement exprimées, que je collectionnais là, je n’aurais pas envie de renoncer au monde et d’entrer au couvent. « J’ai aimé la beauté de votre maison et le lieu où habite votre gloire. » Qui dira combien cette admirable phrase, qui de suite nous serre le cœur, a fait de vocations ?