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année 1899

à ne pouvoir pas être sourde une heure de plus. Et le lendemain, se réveiller là-dedans, qu’il n’y ait pas d’autre réveil possible !


Vendredi 22 septembre.

Je ne vaux plus rien que dans le tête-à-tête. Mes amis me deviennent étrangers dès qu’ils se réunissent.

Voir les groupes se former autour de mon fauteuil, les voir s’animer et moi immobile avec ma jeunesse et mon esprit, devenir comme une borne entre tant de gaîté, gênée de mon sérieux parmi les rires, être là en robe rose, à représenter une absente et montrer une place vide !

Ils ne savent pas ce que je perds. Une autre à ma place ne perdrait pas autant.

Et tout cela à la longue, entre, s’installe dans le passé, je n’y trouve plus que ça. En avant, en arrière, je suis cernée.

Je suis pourchassée vers la solitude, j’y suis maintenue de force : tu ne bougeras pas de là ! And for ever shalt thou dwell in the spirit of this spell.

Je vis un an chaque jour.

Dans mes heures lentes ou inquiètes d’ennui, ce