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voulu, non plus, survivre à la chute de la Commune, et répondait par cette fin volontaire aux attaques et aux calomnies dont il avait été l’objet. Deux jours auparavant il avait prononcé sur la tombe ouverte de Dombrowski un éloquent discours d’adieu.

Après avoir franchi le boulevard Richard-Lenoir, les hommes qui nous suivaient durent marcher en tirailleurs sur les trottoirs. Les balles sifflant avec rage balayaient la chaussée. En approchant de la barricade, la fusillade redoublait d’intensité.

Pour traverser les petites rues qui aboutissent au boulevard Voltaire, les fédérés devaient courir pour éviter le feu de l’ennemi qui occupait les flancs de notre dernière position de ce côté.

La barricade Richard-Lenoir, élevée à 400 mètres en arrière du Château-d’Eau, nous protégeait contre nos adversaires et les empêchait de nous tourner complètement.

Delescluze, du même pas grave et mesuré, marchait, sans se soucier des projectiles qui éclataient autour de lui, dans la direction de la barricade. De chaque côté de celle-ci les maisons d’angle brûlaient ; leurs débris s’écroulaient dans un crépitement sourd, dans une gerbe de flammes, sur la barricade abandonnée. Dans les maisons voisines, les fédérés soutenaient, contre un régiment de ligne, une lutte désespérée ; véritable duel. D’un côté, le nombre, la force inconsciente ; de l’autre, une poignée d’hommes résolus à mourir.

Nous étions arrivés à vingt mètres de la barricade.