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LES DÉCORÉS

silhouette du poète. Et c’est dommage, car un charme particulier émane de cette figure svelte et élégante comme un de Rubempré, à la chevelure modelée de boucles brèves et dorées, aux yeux transparents et songeurs, à la fine moustache, au teint pâle, au cou élancé, aux épaules tombantes, aux mains d’une menuité féminine, aux gestes sobres, à la correction parée d’une pointe de dandysme, de ce joli dandysme romantique qui ressemble à un art, à un culte de la beauté, et qui ne présente aucun cousinage avec le respect imbécile de la mode ou la tyrannie des hideurs anglomanes.

Pour savoir où est né Rodenbach, inutile de consulter le Larousse ; au premier coup d’œil, on reconnaît en lui le type du Nord, l’être dont l’âme reste embrumée dans la morosité des interminables hivers et des ciels sombres, l’être dont le regard conserve le reflet des fleuves glauques, des mers grises, des plaines neigeuses, des soleils anémiés, l’être dont la tristesse inconsciente