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J.-K. HUYSMANS

sonnes — qu’il se sentit gêné et, après l’escale des Sœurs Vatard, il débarqua afin de marcher seul, à l’aventure.

À une époque où souvent le talent — panaché de pastiche et de pillage — s’habille au décrochez-moi ça, et où il suffit de posséder l’érudition d’un bibliothécaire malin pour exciter l’admiration des passants, l’auteur d’A Vau-l’eau a créé un style, un genre, un génie à lui. C’est un des écrivains les plus puissamment originaux de l’époque, et sa tournure d’esprit, son éloquence corrosive, sa cravachante ironie, son écriture picturale magnifient tout ce qu’il touche.

Il produit rarement, comme à regret, presque douloureusement, avec cette indéfinissable pudeur offensée dont souffrent certains artistes d’élite quand ils déshabillent leur âme en public, mais chacun de ses livres porte et, à lui seul, un chef-d’œuvre tel qu’À Rebours suffirait à auréoler la gloire de vingt braves gens coiffés de lauriers jusqu’aux oreilles.