Page:Jourdain - Les Décorés, 1895.djvu/35

Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
STÉPHANE MALLARMÉ

tant, l’auteur de l’Après-midi d’un Faune n’arrivera jamais à la popularité, pas plus que Botticelli, Bach ou Baudelaire.

Sa pensée altière effare, sa forme — mosaïque étincelante d’une caractéristique si intense — exaspère le lecteur dont le goût s’est habitué aux arlequins gâtés servis dans le livre et au théâtre, et qui nie ce qu’il ne comprend pas, afin d’éviter la fatigue d’une étude et d’une réflexion.

Cet isolé, méconnu et verveusement raillé pendant de longues années, exerce aujourd’hui une influence considérable, presque tyrannique sur la jeune génération artistique qui l’acclame et respecte en lui le dieu créateur de l’école nouvelle. Très spécial, son idéal s’est dressé contre le naturalisme triomphant ; se dégageant de la domination rationaliste, scientifique et matérialiste, imposant d’autres dogmes au culte du beau, exigeant du style des impressions vierges, jetant la sonde dans un abîme inexploré de l’âme humaine,