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L’INCONNU

Ça vous étonne ? C’est que vous ne la connaissiez pas. Tenez, asseyez-vous là un instant, le cœur me crève, il faut que je vous raconte l’histoire ; mais gardez-la pour vous, je vous en prie, car elle est d’un ridicule à attendrir l’obélisque, et ferait vomir de dégoût la plupart de mes camarades, même de ceux qui s’appellent mes amis.


Je gagnai le petit canapé. Le sculpteur se lava les mains, qu’il essuya ensuite après sa blouse, et se mit à arpenter l’atelier en fourrageant ses cheveux, dont les mèches rageuses se refusaient à prendre une tenue correcte.

— Vous connaissez ma vie, commença-t-il ; je vous fais grâce des détails. Vous savez que ma mère, restée veuve et sans ressources, quand j’avais à peine trois ans, exécuta des prodiges pour m’élever et rendre la santé à l’avorton chétif que j’étais. Pas neuf, le récit