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LES DÉCORÉS

atténuant les brutalités du réel. Un inconnu, implacable et terrifiant, plane constamment sur ce qu’on ne voit pas, dans ce qu’on n’entend pas, et ses drames exigent des spectateurs une part de collaboration, une entente tacite, permettant à l’auteur de voiler d’ombre une partie de ses œuvres.

On sent en Mœterlinck beaucoup de lectures, trop peut-être. Évidemment, à pleines lèvres, il s’est abreuvé de Shakespeare et d’Edgar Poë ; toutefois, de cette ivresse s’est dégagée une personnalité curieuse, très subtile, très exquise, une personnalité plus affinée que puissante, mais d’une valeur littéraire de premier ordre.

Au milieu de la cohue des efflanqués et des ratés qui jouent la parade du symbolisme, à côté des snobs qui déjeunent d’un lis et dînent d’un cygne, le père de La Princesse Maleine apparaît comme un écrivain d’essence supérieure. Si son mysticisme militant bat en brèche avec fureur le naturalisme — quitte