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RENOIR ET RENOUARD

chant, dès ses débuts, une déplorable indépendance. Coude à coude avec Manet, Pissarro, Cals, Claude Monet, Lépine, Sisley, Sézanne et autres détraqués du même genre, il attaqua la vieille Bastille — si solide alors ! — dont les ruines jonchent aujourd’hui le Salon des Champs-Élysées. À l’époque où florissait un prix de Rome de paysage exécuté — sans rire — entre quatre murs, où les figures étaient passées au jus de pipe, où l’on représentait un tas de braves gens très comme il faut déguisés en pompiers, en marquis Louis XV ou en ténors Moyen-Age, Renoir se lança à corps perdu dans le plein air et la modernité. Amant respectueux de la nature, il s’entêta à la copier telle qu’il la voyait, refusant de la déshonorer par des arrangements et des maquillages sacrilèges ; bravement il rendit la vie contemporaine, la campagne au saut du lit, les fleurs en déshabillé, l’ivresse du soleil et des ciels infinis, brossant canotiers, bourgeois, grisettes, saltimbanques, étudiants, noceuses et rentiers,